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81 Z - 12/78 - Berufungskammer der Zentralkommission (-)
Entscheidungsdatum: 01.07.1977
Aktenzeichen: 81 Z - 12/78
Entscheidungsart: Urteil
Sprache: Französisch
Gericht: Berufungskammer der Zentralkommission Straßburg
Abteilung: -

CHAMBRE  DES APPELS DE  LA COMMISSION  CENTRALE  POUR  LA NAVIGATION  DU  RHIN

ARRÊT

du 1.07.1977

EXPOSE DES FAITS:

Le 2 avril 1974 un abordage s’est produit sur le Rhin entre l’automoteur "„E76“" et la péniche "„O“".

L’„E76“ est un automoteur d’un port en lourd de 897,37 t. Son propriétaire, respectivement armateur est la Société „N“ A.G., le capitaine „W“, le pilote "F".

L’„O“ est une péniche d’un port en lourd de 322 t, son propriétaire, respectivement armateur est „M“, le conducteur „L“.

Dans la matinée du 2 avril 1974 l’„E76“ chargé de 702 t de gravillons, naviguait sur le Rhin à la descente, venant de l’écluse de Strasbourg Sud et se dirigeant vers Dordrecht.

L’„E76“ était suivi par le "O" II, puis par deux péniches de canal, l’„O“ d’abord et le „LI“ ensuite, qui sont toutes deux sorties de l’écluse nord de Strasbourg pour descendre le Rhin en direction de Karlsruhe.

A un certain moment, à hauteur de Leutenheim vers le p.k. 300 des nuées de brouillard apparurent, brouillard qui est rapidement devenu très dense, réduisant la visibilité à moins de 50 mètres.

L’„E76“ a décidé de virer sur bâbord en vue de s’immobiliser cap vers l’amont. Au cours de cette manoeuvre de virage la poupe de l’„E76“ a heurté un épi de la rive droite, occasionnant une avarie du gouvernail en l’occurrence la perte du gouvernail tribord et la déformation du gouvernail central.

L’„O“ de son côté a viré sur bâbord, en raison du brouillard, pour s’immobiliser, cap vers l’amont, du coté de la rive gauche.

Dans la nappe de brouillard un abordage a eu lieu entre l’arrière de l’„O“ et l’avant de l’„E76“ et les deux bateaux ont subi un dommage.

Par acte introductif d’instance du 27.5.75 „M“, armateur de l’„O“, a cité devant le Tribunal pour la Navigation du Rhin de Strasbourg le propriétaire-armateur, le capitaine et le pilote de l’„E76“ en demandant qu’il plaise au tribunal de condamner les défendeurs solidairement, subsidiairement in solidum à payer au demandeur la somme de l6.74l,48 DM avec 6 %  d’intérêt à compter du jour de la demande, porté de plein droit à 12 %  un mois après la signification du jugement définitif, de prononcer la capitalisation des intérêts, de dire que l’armateur-défendeur ne sera tenu de payer le montant de la condamnation que jusqu’à concurrence de la valeur au jour de l’accident, de l’„E76“ et de son fret, de condamner les défendeurs solidairement en tous les frais et dépens, de déclarer le jugement à intervenir exécutoire par provision sans caution, si besoin moyennant caution.

Les demandeurs-intimés font valoir que l’„O“ a pénétré dans la nappe de brouillard et qu’après avoir viré sur bâbord, il a jeté l’ancre le long de la rive gauche, à hauteur du p.k. 301.200 et que peu de temps après l"„E76“", en position du montant surgissait du brouillard à l’arrière de l’„O“ qu’il est venu heurter au milieu de la poupe avec son premier quart tribord de sorte que l’abordage a été causé par les graves fautes nautiques commises par le conducteur de L’„E76“ qui, étant en état de non navigabilité, a néanmoins viré de bord, traversé le fleuve et pendant cette manœuvre exécutée dans le brouillard, a heurté l’„O“.

Les défendeurs-appelants résistent à la demande en contestant formellement la version de l’accident donnée par le demandeur-intimé. Ils estiment que l’abordage ts exclusivement causé par une grave faute nautique du conducteur „L“ „L“de l’„O“ qui ne s’est pas arrêté en temps utile, a pénétré dans la nappe de brouillard et a continué de naviguer sans poster de vigie ni émettre de signaux de sorte qu’il a abordé l’„E76“  qui se trouvait alors à l’arrêt, cap vers l’amont.

Ils demandent au tribunal de déclarer la demande mal fondée, d’en débouter le demandeur-intimé et de le condamner en tous frais et dépens.

Dans son jugement du l.6.77 le Tribunal pour la Navigation du Rhin de Strasbourg déboute M. „M“ de son action dirigée contre M. "F", met en conséquence M. Werner "F" hors cause; condamne M. „M“ „M“ aux frais et dépens concernant la demande dirigée contre ce dernier, condamne la Sté „N“ A.G. et  Wilhelm „W“, in solidum à payer à M. „M“ la somme de l6.74l,80 DM avec, les intérêts légaux, à compter de ce jour; toutefois la Sté "N" ne sera tenue de payer que le montant de la valeur au jour de l’abordage, de l’„E76“ et du fret; condamne la Sté „N“ A.G. et Wilhelm „W“ aux frais et dépens de la demande en tant qu’elle est dirigée contre eux; déclare le jugement exécutoire par provision contre consignation d’un montant égal à celui pour lequel l’exécution sera poursuivie.

Les motifs du premier juge peuvent être résumés comme suit:

- les versions des faits des témoins sont totalement contradictoires de sorte qu’elles ne peuvent pas former la base d’une décision en ce qui concerne la cause de l’abordage.

- sur la base des conclusions de M. SAMIE, expert auprès du  tribunal, en ce qui concerne les avaries subies par les deux bateaux, le tribunal a acquis la conviction qu’au moment de l’échouage c’est bien l’„E76“ qui se déplaçait alors que l’„O“ était effectivement au mouillage après avoir jeté l’ancre.

Contre ce jugement les défendeurs-appelants ont interjeté appel par acte du 6.9.77 devant la Chambre des Appels de la Commission Centrale pour la Navigation du Rhin et ils ont motivé cet appel dans le mémoire ampliatif du 12.10.77.

Ils demandent qu’il plaise à la Commission Centrale d’infirmer le jugement dont appel et d’adjuger aux exposants toutes les conclusions prises en première instance et toutes celles qu’ils croiront devoir y ajouter en appel et de condamner le demandeur-intimé en tous frais et dépens.

Quant à la recevabilité de l’appel ils prétendent que l’appel n’est pas tardif parce que la notification du jugement n’a pas été faite suivant les formes adoptées en France (art. 37 alinéa 2 de la Convention de Mannheim).

Quant au fond ils reprennent leurs arguments développés devant le premier juge.

Dans son mémoire en réponse du 7.11.77 le demandeur-intimé demande à la Commission Centrale de confirmer purement et simplement le jugement entrepris dans ces dispositions. Il reprend les arguments développés devant le premier juge.

EXPOSE DES MOTIFS:

1. L’appel est régulier en la forme.

Le jugement a été signifié aux défendeurs-appelants le 22.7.77 mais sans que la notification contienne une indication avisant les destinataires du délai et des modalités d’appel devant la Commission Centrale conformément à la Convention de Mannheim (art. 37 alinéa 2) qui précise que la notification sera faite selon les formes adoptées dans chaque Etat.
 
L’article 680 du nouveau Code de procédure civile précise que l’acte de notification d’un jugement à une partie doit indiquer de manière très apparente. Le délai d’opposition, d’appel ou de pourvoi en cassation dans le cas où l’une de ces voies de recours est ouverte, ainsi que les modalités selon lesquelles le recours peut être exercé.

"L’article 693 N.C.P.C. précise que cette formalité est édictée à peine de nullités".

Or, l’acte de signification mentionne:

Il vous est possible d’exercer un recours contre ce jugement, Vous avez la possibilité:

D’interjeter appel contre ce jugement, si vous entendez le faire réformer ou annuler soit devant la Cour d’appel de COLMAR, soit devant la Commission supérieure de la Navigation sur le Rhin à STRASBOURG.

’APPEL DOIT ETRE INTERJETE DANS LE DELAI DE 3 MOIS A COMPTER DE LA DATE INDIQUEE EN TETE DU PRESENT ACTE."

L’acte de signification ne mentionnant pas le délai d’un mois prévu par l’art.37 § 2 de la Convention de Mannheim, la notification du 22.7.77 est donc nulle et n’a pas fait courir le délai d’appel de sorte que l’appel interjeté par acte du 6.9.77 est régulier.

2.C’est à bon droit que le premier juge a estimé que les déclarations des témoins ne fournissent pas d’éléments de preuve suffisante en ce qui concerne les causes et circonstances de l’abordage.

En effet, la contradiction entre les différentes versions des faits est totale, tandis que tout élément pour en vérifier la véracité manque.

3.Par contre le premier juge ne peut pas être suivi dans son raisonne¬ment quand il estime que les conclusions de l’expert judiciaire et l’existence d’un courant particulièrement fort à l’endroit où l’abordage s’est produit conduisent à la conviction qu’au moment de l’échouage c’était bien l’„E76“ qui se déplaçait alors que l’„O“ était effectivement au Mouillage après avoir jeté l’ancre.

Tenant compte:a) de la forme arrière de l’„O“ dont les avaries se situent en épaulure arrière bâbord à environ 1,20 m de l’axe du bateau avec déformation du petit boulard de fargue implante a environ 1,30 m de l’axe du bateau:

b) de la forme avant de l’„E76“ dont les avaries se situent à hauteur des boulards, c’est-à-dire dans l’axe du bateau à environ 3 m de l’étrave en épaulure avant tribord;

c) de l’absence de toute trace de frottement en bordaille tribord de l’„E76“;

l’expert judiciaire prétend que l’angle d’abordage peut être estimé à environ 20 à 30 degrés.

Il est improbable, sinon impossible, que ces dégâts aient pu se produire si 1’„E76“, se trouvant à l’arrêt, moteur tournant au ralenti, l’avant dans une position parallèle à la terre ferme, avait été heurté par l’„O“.
D’autre part, il est également aussi improbable que de tels dégâts se seraient bien produits si l’„O“, se trouvant à l’arrêt, cap vers l’amont, ayant jeté son ancre, dans une position légèrement oblique par rapport au lit du fleuve, avait été heurté par l’„E76“.
 
Les conclusions de l’expert judiciaire ne permettent pas de déduire que l’„O“ était à l’arrêt au moment de l’abordage. En effet les mêmes dégâts, résultant d’un accrochage sous le même angle, auraient pu se produire si, au moment de l’accident les deux bateaux avaient été en mouvement, sans être dans une position plus ou moins parallèle à la terre ferme.

Les éléments nécessaires pour déterminer la cause de l’abordage avec une conviction suffisante manquent donc et le demandeur-intimé n’a pas fourni la preuve de l’existence dans le chef des défendeurs-appelants d’une faute causale de sorte que l’appel est fondé et que le demandeur-intime doit être débouté de son action.

Il est statué:

La Chambre des Appels déclare l’appel contre le jugement du l.6.77 du Tribunal pour la Navigation du Rhin de Strasbourg recevable et fondé.

Ce jugement du 1.6.77 est infirmé et le demandeur-intime est débouté de son action, entamé par acte introductif d’instance du 27.5.75.

Met à la charge du demandeur-intimé les frais des deux instances, à liquider, conformément à l’article 39 de la Convention Révisée pour la Navigation du Rhin par le Tribunal pour la Navigation du Rhin de Strasbourg.