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126 C - 2/81 - Berufungskammer der Zentralkommission (Berufungsinstanz Rheinschiffahrt)
Date du jugement: 24.02.1981
Numéro de référence: 126 C - 2/81
Type de décision: Urteil
Language: Français
Juridiction: Berufungskammer der Zentralkommission Straßburg
Section: Berufungsinstanz Rheinschiffahrt

CHAMBRE DES APPELS DE  LA COMMISSION CENTRALE POUR LA NAVIGATION  DU  RHIN

ARRÊT

du 24.02.1981

(rendu en appel d’un jugement du Tribunal pour la Navigation du Rhin de Strasbourg du 12 mai 1980 - 3 C 360/78)

EXPOSE DE FAITS:

Le 10 février 1977, vers 3 h 40, alors qu’il naviguait avalant de Strasbourg vers Karlsruhe, l’automoteur-pousseur "G-ROTTERDAM" auquel était accouplé une barge "G", a abordé et endommagé la portière,de tête de l’amorce rive droite (côté allemand) du pont militaire alerté de Drusenheim-Greffern. Après cet abordage, ce même convoi a dérivé et est venu heurter en aval, sur la rive gauche (côté français) au P.K. 318,473  la rampe d’accès en construction du nouveau bac automoteur. A la suite de cet accident, le pont militaire flottant a été disloqué et rendu inutilisable aussi bien à des fins civiles que militaires. Lors du choc sur la rampe d’accès en construction, les amarres de la barge à couple "G" se sont rompues et celle-ci est partie à la dérive Après récupération et réaccouplement de la barge, le convoi fut dirigé vers le Port de Dalhunden par le responsable du Service de la navigation de Strasbourg pour permettre le rétablissement de la navigation qui avait été interrompue et pour que soit procédé par la Gendarmerie au constat de cet accident. Lors de l’accident, la conduite des bâtiments, qui appartiennent à la Société G de Hambourg, était assurée par Monsieur  « S », pilote, qui lui-même avait été engagé par Monsieur « D », capitaine du bâtiment.
 
Par acte du 13 avril 1978, enregistré le 14 avril 1978, le DEPARTEMENT DU BAS-RHIN a saisi le Tribunal pour la navigation du Rhin de Strasbourg d’une demande tendant à voir condamner solidairement MM. « S » et « D » ainsi que la Société G, civilement responsable, à payer:

1) au DEPARTEMENT DU BAS-RHIN une somme évaluée provisoirement dans l’attente du procès-verbal d’expertise à 910.803,26 francs avec les intérêts légaux à dater du jugement,

2) en tous les frais et dépens de l’instance.

Par mémoire complémentaire entré au greffe du Tribunal le 17 août 1978, le DEPARTEMENT DU BAS-RHIN a indiqué que le montant définitif des dommages a été établi par expertise à 910.803,26 frs et qu’en conséquence il y avait lieu de condamner les défendeurs solidairement au paiement de cette somme»
Le Département du Bas-Rhin expose à l’appui de sa demande:

1) que la Société G est responsable de plein droit des dommages causés:

a) en vertu des dispositions du Code Civil Local sur la res ponsabilité du commettant en raison de ses préposés (article 831 du Code Civil Local maintenu par la loi du 1er juin 1924 et qui stipule : "Celui qui prépose un autre à une opération est obligé à réparation du dommage que l’autre, par un fait contraire au droit, a causé à un tiers dans l’exécution de l’opération".)

b) en raison du régime spécial de réparation des atteintes au domaine public (article 40 du Code du domaine public fluvial et de la navigation intérieure qui érige en contravention de grande voirie  les détériorations causées à certaines dépendances du domaine public.)

c) en tant que de besoin, sur le fondement de l’article 1384 alinéa 1 du Code Civil (l’application de ce texte étant justifié par de pressantes considérations d’opportunité et de politique jurisprudentielle;

2) qu’en tout état de cause la responsabilité de la Société G découle de la loi du 15 Juin 1895:

a) du fait de la faute du pilote M, « S » qui, bien que connaissant la diminution de manoeuvrabilité du bateau, a poursuivi sa route,

b) en raison de la faute du capitaine "D", qui a décidé de poursuivre son trajet sans, d’une part, informer le pilote d’un accident intervenu antérieurement, et d’autre part, sans faire procéder à une vérification des propriétés nautiques de son bâtiment à. la suite du premier accident,

c) sur le fondement de l’article 4 alinéa 2 de la loi du 15.6.1895 en raison de la faute personnelle commise par l’armateur qui n’a pas fait vérifier l’installation de gouverne avant le voyage.
 
M. "S" et M. "D", ainsi que la Société G nient toute responsabilité dans l’accidente Leurs conclusions tendent à voir:

1) déclarer la demande adverse irrecevable, en tout cas mal fondé et en voir débouter la partie demanderesse,

2) condamner le Département à payer à la Société G la somme de 100.000,00 francs et en outre conjointement à la Société G, M» DORRE et M. « S » la somme de 90.000,00 francs, lesdits montants avec intérêts de droit à dater de l’assignation,

3) condamner le Département en tous les frais et dépens. Les défendeurs font valoir au soutien de leurs conclusions:

- que le Département du Bas-Rhin est dépourvu de toute qualité pour agir en son nom en réparation du dommage aux lieu et place de la victimes d’une part en raison de l’inopposabilitê aux défendeurs de la convention de mise à disposition du matériel par l’autorité militaire et, d’autre part, en raison de l’absence de date certaine de cette convention,

- que le Département n’a subi aucun dommage et qu’à défaut de quittance subrogative il ne peut réclamer paiement du pré judice subi par l’Etat,

- que le Département est tenu d’employer les mesures de recouvre ment de créances sur les particuliers telles qu’elles découlent de la loi,

- que la demande n’a pas été régulièrement introduite par le Préfet son Secrétaire Général étant dépourvu de qualité  à cet effet,

- que l’action engagée par le Département est prescrite,

- qu’en tout état de cause, aucune responsabilité incombe à M. « S » et à la Société G, ni au capitaine « D » qui n’était pas conducteur de l’automoteur lors des faits, car le heurt du G contre la portière est exclusivement imputable à l’ETAT FRANÇAIS qui a dangereusement entravé la navigation en réduisant, en violation de ses engagements internationaux, la largeur du chenal navigable à moins de 88 mètres, que la contrainte injustifiée obtenue par le Département du Bas-Rhin a contraint la Société G à fournir un cautionnement de 800.000,00 francs depuis le 15 février 1977,lfexposant ainsi à des frais de 100.000,00 francs,

- qu’en outre, les procédures injustifiées ont contraint les exposants à des frais, démarches, débours et occasionné des troubles de 90o00Q,00 francs, dont il n’est pas équitable qu’ils supportent la charge.
 
Il convient d’observer que M.SCHONLAUB, avait été condamné au pénal par le Tribunal pour la navigation du Rhin de Strasbourg pour n’avoir pas respecté les règles relatives au devoir général de vigi lence. A la suite de l’appel formé par M. SCHONLAUB, la Chambre des Appels de la Commission Centrale a, par arrêt du 6 Novembre 1979, infirmé le jugement dont s’agit et prononcé la relaxe de l’intéressés

Le Tribunal pour la Navigation du Rhin a rendu le 12 mai 1980 un jugement dont le dispositif est ainsi conçu:

Statuant publiquement et contradictoirement:

DECLARE  la Société G-GESELLSCHAFT fur Öltransporte Gmbh & Co 2000 Hambourg et M. Peter DORRE, capitaine, responsables in solidum des suites dommageables de l’abordage survenu  le 10 février 1977 à Drusenheim-Greffern  MET   Monsieur « S » hors de cause,

CONDAMNE la Société G et Mo DORRE in solidum à payer au Département du Bas-Rhin la somme de 910.803,26 francs (NEUF CENT DIX MILLE HUIT CENT TROIS FRANCS VINGT SIX CENTIMES) avec les intérêts de droit à compter du présent jugement ?

DIT  toutefois, que la Société G n’est tenue que jusqu’à concurrence de la valeur, au jour de l’abordage, de la barge G, de l’automoteur G-RQTTERDAM et de leur fret;

COMDAMNE la Société G et Mo DORRE aux frais et dépens

DIT n’y avoir lieu à exécution provisoire.

QU’au soutien de ce dispositif, le Tribunal pour la navigation du Rhin de Strasbourg fait état des motifs suivants:

- Sur la recevabilité de l’action du Département du Bas-Rhin

Le Tribunal pour la navigation du Rhin de Strasbourg rappelle tout d' abord  que l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention; il soutient en l’espèce que le Département du Bas-Rhin, tenu de supporter les consé quences  d’un dommage causé au matériel mis à sa disposition par une convention du 24 juin 1968 par lui passée avec l’autorité militaire, a un intérêt  personnel et légitime pour en demander la réparation alors même qu’il n’est pas propriétaire de ce matériel; qu’ il résulte par ailleurs des pièces produites  que le Préfet a été dûment autorisé à engager l’action au nom du Département et qu’il lui était loisible de choisir la voie judiciaire plutôt que d’émettre à l’encontre des débiteurs des états exécutoires? qu’enfin le Secrétaire Général était habilité à signer la demande introductive d’instance en vertu d’un arrêté préfectoral du 6 mai 1978 portant délégation de signature;
 
QUE le Département du Bas-Rhin a donc bien qualité pour exercer, en son nom et en vertu d’un droit qui lui est propre, la présente action en dommages-intérêts;

- Sur la prescription

Le Tribunal invoque les dispositions de la loi du 15 juin 1895 sur les rapports de droit privé dans la navigation intérieure pour déclarer que l’action a été introduite avant l’expiration du délai légal; Sur la responsabilité

Le Tribunal observe que l’art. 5 de la loi commerciale d’ in troduction du 1er juin 1924 maintient en vigueur les dispositions de la loi du 15 juin 1895 sur les rapports de droit privé dans la navigation intérieure, ainsi que les dispositions de la législation locale relatives à la responsabilité civile en matière de navigation dans la mesure ou ces dispositions s’appliquent à la navigation rhénane que le décret du 13 octobre 1956 portant Code du domaine public fluvial et de la navigation intérieure, loin d’avoir modifié le régime organisé par l’article 5 susvisé édicte, dans son art. 234, que les dispositions locales encore en vigueur en matière de responsabilité civile  sont applicables au transport s’effectuant sur le Rhin; que les règles relatives aux contraventions de grande voirie  instituées par les articles 40 et suivants du Code du domaine public fluvial et de la navigation intérieure sont incompatibles avec les principes de responsabilité et de réparation qui s’appliquent à la navigation rhénane; que c’est donc à tort que le Département du Bas-Rhin soutient que ne lui est pas applicable la loi local laquelle ne concerne que des rappor de droit privé;  que l’article 234 du Code de la navigation a précsément pour conséquence de placer la personne publique dans la si tuation d’un simple particulier en l’empêchant, en ce qui concerne la navigation rhénane et pour ce qui est de la responsabilité civile, d’invoquer les dispositions relatives à la contravention de grande’ voirie;

QUE le maintien des dispositions de la législation locale relatives à la responsabilité civile en matière de navigation, dans la mesure où ces dispositions s’appliquent à la navigation rhénane, s’oppose également à l’application de l’article 1384 alinéa 1er du Code civil, la responsabilité du fait des choses n’existant pas en droit rhénan.

a) en ce qui concerne la Société G.E.F.O.

Le Tribunal estime que si le Département du Bas-Rhin n’a pas administré la preuve que la Société G.E.F.O. a commis une faute personnelle en ne faisant pas vérifier avant chaque voyage l’ins tallation de gouverne, il n’en demeure pas moins qu’aux termes de l’article 3 de la loi du 15 juin 1895, "le propriétaire du bateau est responsable des dommages causés aux tiers par la faute du personnel du bateau".

b) en ce qui concerne le pilote M. "S"

La Chambre des Appels de la Commission Centrale pour la navigation du Rhin ayant, par arrêt du 6 novembre 1979, prononcé la relaxe du pilote M. « S », auquel il  avait été reproché, à la suite de l’accident, d’avoir enfreint le devoir général de vigilance prévu à l’art. l04 du Règlement de Police, le Tribunal, se basant sur le principe de l’autorité au civil de la chose jugée en pénal, a mis hors de cause « S », aucune faute ne pouvant plus être alléguée dans une instance civile le concernant.

c) en ce qui concerne le capitaine « D »,

Le Tribunal estime que l’accident du 10 février 1977 trouve sa cause dans la non vérification par le capitaine du bon état de navigabilité de l’automoteur, obligation qui pèse sur le capitaine en vertu de l’art» 8 al. 1er de la loi du 15 juin 1895; qu’il est en effet établi par les constatations faites par la brigade fluviale de Gambsheim de la Gendarmerie que l’installation de gouverne de l’automoteur était défectueuse et qu’il manquait notamment un safran au gouvernail tribord; qu’il résulte par ailleurs des déclarations du pilote M. « S » confirmées par celles de M. « K », marinier. que cette défectuosité est à l’origine de l’accident; qu’en tout cas un examen sérieux de l’installation de gouverne aurait permis au capitaine de déceler les défectuosités du gouvernail; que le comportement fautif du capitaine « D » engage sa responsabilité en même temps que celle de l’armateur. Le Tribunal es-time encore que les défendeurs invoquent en vain la responsabilité de l’Etat Français lui reprochant d’avoir réduit notablement la largeur du chenal navigable; qu’en effet la réduction de la passe navigable a été portée à la connaissance des usagers par avis à la batellerie obligeant ainsi ces usagers à redoubler de vigilance; qu’il s’ensuit que la réduction de la largeur du chenal ne peut être considérée comme la ou l’une des causes de l’accident.

Le Tribunal soutient enfin que « D » et la Société G ayant été reconnus responsables des suites dommageables de l’accident, ils ne sauraient réclamer le paiement des sommes de l00.000 francs  et de 90.000 frs pour contrainte et procédure injustifiées;qu’il n’y a pas davantage lieu d’allouer un quelconque montant à M. « S » qui ne justifie d’aucun dommage.

Par acte d’appel du 12 mai 1980 signifié au Tribunal . pour la navigation  du Rhin de Strasbourg a la même date, « S », Peter DORRE et la Société G ont interjeté appel contre le jugement susvisé du 12 mai 1980, déclarant expressément  porter l’appel devant la Commission Centrale pour la Navigation du Rhin.
 
Ils concluent

PLAISE A LA COMMISSION CENTRALE

- CONFIRMER le jugement attaqué en tant qu’il met M.SCHONLAUB hors de cause?

- INFIRMANT pour le surplus,

- DECLARER la demande irrecevable en tous cas mal fondée à l’encontre de M. DORRE et la Société G,

- EN DEBOUTER  la demanderesse,

- CONDAMNER le DEPARTEMENT DU BAS-RHIN à payer à la Société G la somme de 100.000 francs avec intérêts de droit à dater* de l’assi gnation ainsi qu’en outre, conjointement à la Société G, à Monsieur DORRE et Monsieur « S » la somme de 90.000 francs avec intérêts de droit à dater de 1’assignation,

- CONDAMNER le DEPARTEMENT DU BAS-RHIN en tous les frais et dépens dont distraction au profit de Mes R. et A. GARNON. Par acte du 27 mai 1980 parvenu au greffe le 28 mai 1980, le représentant des parties défenderesses a retiré l’appel interjeté au nom de Monsieur « S ». Par mémoire ampliatif du 11 juin 1980 et à l’appui de leurs conclusions, les appelants font valoir l’absence de faute de DORRE et 1’absence de responsabilité de la Société G.

- Absence de faute de « D »

Ils prétendent tout d’abord que l’absence d’un safran au gou vernail tribord à la suite d’une première collision de l’automoteur pousseur G avec une pile de l’ancien pont de Weil près de Baie n’est pas établie, qu’il s’agit d’une simple hypothèse avancée par le Département du Bas-Rhin pour les besoins de la cause sur la base de témoignages anonymes et donc suspects. 11 soutiennent que l’absence de safran, qui n’a été constaté par la Gendarmerie qu’après la collision du bâtiment G.  ROTTERDAM" avec le pont de Drusenheim, est en réalité la conséquence de cette collision, imputable à une défaillance matérielle soudaine ayant le caractère d’un cas fortuit. Il n’est donc pas possible de reprocher au capitaine « D » d’avoir navi gué avec un bateau comportant un vice manifeste et préexistante

Les appelants font en outre valoir que le capitaine DORRE n’avait pas la responsabilité du convoi. En effet, ce marinier n’était pas ti tulaire d’une patente pour le secteur de Gambsheimo Or, en vertu du règlement de police pour la navigation du Rhin (art.102), lorsque le capitaine n’a pas la patente de batelier, le pilote devient le conduc¬teur responsable» Il y a passation de commandement et de la responsa¬bilité du convoi du capitaine au pilote. En conséquence, seule la responsabilité du pilote était susceptible d’être mise en jeu, à l’exclusion de celle du capitaine. Or, en l’espèce le pilote a été relaxé de toute poursuite pour imprudence ou négligence de sorte que l’affaire était terminée et qu’il n’était pas possible de retenir la responsabilité du capitaine « D » et l’armateur G.
 
Absence de responsabilité de la Société G. En vertu de l’art» 3 de la loi du 5 juin 1895, l’armateur est responsable des dommages que cause au tiers un membre du personnel attaché au bateau et en particulier le conducteur du bâtiment. DORRE n’étant point conducteur du bâtiment au sens dudit texte, aucune responsabilité ne peut de ce chef être imputée à 1’ armemento.


Ils soutiennent enfin que 1’assignation de la partie demanderesse qui a contraint les appelants à se défendre durant deux instances leur cause des frais, démarches et débours qu’il n’est pas équitable qu’ils supportent, de sorte qu’indépendamment des frais calculés conformément aux dispositions de la Convention de Mannheim, il n’est pas équitable que les appelants supportent des frais irrepetlblés de francs 90.000 que le juge est en droit de laisser à la charge de la partie demanderesse conformément à l’art. 700 du Nouveau Code de procédure civile.

Par mémoire en date du 18 août les appelants entendent par ailleurs contester la régularité de la décision du Tribunal pour la navigation du Rhin du 1er août 1980 prorogeant le délai de réponse d’un mois antérieurement fixé par le Tribunal; ils invoquent à cet égard l’art» 37 de la Convention de Mannheim prévoyant que le Tribunal donnera communication du mémoire de l’appelant à la partie adverse qui est tenue d’y répondre dans le délai qui lui est fixé à cette fin; ils relèvent également que le magistrat qui a signé l’ordonnance pro¬rogeant le délai de réponse n’avait pas qualité pour assurer des fonctions de juge du Tribunal pour la navigation du Rhin, ce magistrat n’ayant pas prêté de serment conformément aux dispositions de la loi du 21 avril 1832, qu’ils demandent en conséquence à la Commission Centrale d’annuler la décision du 1er août 1980 et de constater que le Département du Bas-Rhin n’a pas répondu dans le délai prévu à la Convention de Mannheim.

Par conclusions du 20 août 1980, le Département du Bas-Rhin demande à la Chambre des Appels de rejeter l’appel et de confirmer le jugement rendu par le Tribunal pour la navigation du Rhin le 12 mai 1980.
Tout en reprenant les moyens invoqués  en premières instance, le Département du Bas-Rhin fait essentiellement valoir dans ses mémoires des 20 et 28 août 1980 qu’il est établi par l’enquête de la Gendarmerie de Gambsheim que l’automoteur G a heurté le pont alerté de Drusenheim par suite d’une défaillance du système de gouverne et que cette défaillance n’était pas le résultat d’une défectuosité mécanique soudaine; que le bâtiment avait, en effet, heurté le 8 février 1977 vers 23 heures le pilier de l’ancien pont Weil-am-Rhein près de Bâle; que le procès-verbal n 378/77 dressé le 20 avril 1977 par la Wasserschutzpolizei de Breisach (République fédérale d’Allemagne) établit de façon incontestable que le pilier du pont a été sérieusement endommagé; que ces documents établissent également que, lors de cet accident du 8 février 1977, c’est le capitaine "D" qui était aux commandes du G-ROTTERDAM assurant à la fois les fonctions de capitaine, de conducteur et de pilote du bâtiment;   qu’il s’ensuit que le capitaine "D" a commis plusieurs fautes s d’une part en ne faisant pas procéder à une vérification des appareils de direction du navire, d’autre part, en n’informant pas le pilote monté à Gambsheim, M. "S" B de l’accident survenu à Weil et de ses conséquences sur la manoeuvrabilité du bâtiment; que le fait, qu’aucune méconnaissance du devoir de prudence n’ait été retenue à l’encontre du pilote "S" n’est pas de nature à dégager le capitaine de sa responsabilité fondée sur la vérification insuffisante de l’état du bateau et la poursuite de la route avec un système de gouverne défectueux? qu’en tous cas l’art 1.02 du Règlement de police pour la navigation du Rhin qui fait du pilote "S" le conducteur du bâtiment, n’est pas de nature à faire échec aux règles sur les obligations et la responsabilité civile du capitaine telles qu’elles sont édictées par la loi du 15 juin 1895.

Le DEPARTEMENT DU BAS-RHIN soutient à nouveau que la réparation des dommages causés au domaine- public relève du droit public et que c’est le régime indemnitaire automatique des contraventions de grande voirie qui devrait s’appliquer, régime dont l’application n’est exclue par aucune disposition particulière sur le Rhin.

EXPOSE DES MOTIFS:

VU les pièces de la procédure, les documents régulièrement communiqués et produits aux débats, ensemble le jugement entrepris et mémoires des parties auxquels la Chambre des Appels se réfère en tant de besoin, pour plus ample exposé des faits et moyens.

ATTENDU que le représentant des défendeurs s’est, par acte du 27 mai 1980 parvenu au greffe le 28 mai 1980, désisté de l’appel interje au nom de M. « S ».

ATTENDU qu’il ressort du dossier que le jugement du Tribunal pour la navigation du Rhin de Strasbourg du 12 mai 1980 n’a pas été formellement signifié dans le sens de la Convention de Mannheim et que par suite le mémoire du 11 juin 198O motivant l’appel peut être considéré, d’après une jurisprudence constante de la Chambre des Appels, comme réitérant valablement l’appel;que cet acte comportant simultanément les motifs de l’appel, doit en conséquence être considéré comme ayant été transmis dans les délais.- Sur la prorogation du délai de réponse octroyée par un magistrat non assermenté au sens de la loi française du 21 avril 1832.

ATTENDU qu’il convient tout d’abord de rappeler que par décision du 13 juin 1980 le Tribunal pour la navigation du Rhin avait communiqué au DEPARTEMENT DU BAS-RHIN les conclusions d’appel en fixant un délai de quatre semaines pour y répondre;

QU’en raison de la nécessité de recueillir certains témoignages, le Département avait demandé une prorogation de ce délai?
 
QUE par décision du 1er août 1980 le Tribunal a prorogé ce délai jusqu’au 22 août 1980;
QUE le Département a adressé au Tribunal à la date du 20 août   son   mémoire   en   réponse.

ATTENDU que si l ’ art. 37 alinéa 3 de la Convention de Mannheim dispose que "dans les quatre semaines à dater du jour de la signification de l’acte d’appel l’appelant remettra au Tribunal qui aura rendu le premier jugement un mémoire exposant les motifs de son recours en seconde instance", ce texte laisse toute latitude au Tribun il pour fixer le délai dans lequel la partie adverse devra répliquer au mémoire de l’appelant;

QU’il s’ensuit que, si le Tribunal peut fixer un délai, il lui est également loisible de le proroger s’il y a lieu;

QUE d’ailleurs, en tout état de cause, même si le délai de réponse fixé par la décision initiale du Tribunal n’avait pas été régulièrement prorogé, le mémoire en réponse du Département n’en serait pas moins recevable;

QU’il résulte, en effet, du texte de l’arto 37 de la Convention de Mannheim que la non observation du délai de présen tation des mémoires n’est sanctionnée par la déchéance que dans le cas où l’appelant ne dépose pas son mémoire dans le délai de quatre semaines qu’en revanche, l’art. 37 susvisé ne formule aucune sanction contre l’intimé qui n’observerait pas le délai de réplique que le tribunal lui a imparti.

ATTENDU, par ailleurs, que la prétendue non assermentation du magistrat ayant accordé la prorogation de délai ne saurait davantage être retenue;

QU’il est rappelé à cet égard que la loi française du 21 avril 1832 qui prévoit que "les juges des droits de la navigation prêteront serment de rendre justice avec scélérité et impartialité", doit être considérée dans son contexte historique et compte tenu de l’organisation des tribunaux rhénans établis à cette époque;

QU’il apparaît, à l’évidence, que le serment prévu par la loi du 21 avril 1832 est implicitement compris dans le serment que prête tout magistrat français, lors de sa nomination à son premier poste et avant d’entrer en fonctions?,

QU’en effet, tout magistrat français prête serment en ces termes: "Je jure de bien et fidèlement remplir mes fonctions, de garder religieusement le secret des délibérations et de me conduire en tout comme un digne et loyal magistrat" (art. 6 Ordonnance n° 56 -1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature);

QU’il n’y a donc pas lieu d’exiger pour les magistrats qui exercent des fonctions  auprès des tribunaux pour la navigation du Rhin de prêter un serment spécial, alors surtout qu’il n’est pas contesté que le magistrat signataire de la décision de prorogation ait prêté le serment que tout magistrat prête lors de sa nomination à son premier poste;
 
ATTENDU, dans ces conditions, qu’il échet de déclarer que les mémoires en réponse des 20 et 28 août 1980 du Département du Bas-Rhin ont été régulièrement présentés et qu’il n’y a lieu ni d’annuler la décision rendue le 1er août 1980 par le Tribunal pour la navigation du Rhin ni de constater que le Département du Bas-Rhin n’a pas répondu dans le délai prévu à la Convention de Mannheim.

- Sur la recevabilité de la procédure engagé par le Département du Bas-Rhin

ATTENDU, qu’aux termes de l’art. 31 du Nouveau Code de pro cédure civile "l’action est ouverte à tous ceux: qui ont un intérêt légitime au succès ou au  rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé".

ATTENDU, en l’espèce, que par convention signée le 24 juin 1968, l’autorité militaire a mis à la disposition du Département, en vue de l’exploitation d’un bac civil, les appontements du pont militaire de Drusenheim-Greffern

QUE cette convention stipule en son art 3 que"pour les accidents éventuels dûs à la navigation, le Département du Bas-Rhin se chargera directement ou par l’intermédiaire d’un tiers d’engager et de poursuivre jusqu’à complet aboutissement la procédure nécessaire en vue de faire assurer par les responsables des accidents, le remboursement de la totalité des dommages et des frais engagés";
QUE cette convention (art. 7) stipule encore que"... les réparations et frais éventuels de remise en état du matériel, consécutifs  à un usage normal ou à des dommages accidentels, sont a la charge du Département du Bas-Rhin".

ATTENDU qu’il apparaît ainsi que le Département du Bas-Rhin, tenu de supporter les conséquences d’un dommage causé au matériel mi à sa disposition, a un intérêt personnel et légitime pour en demander la réparation, alors même qu’il n’est pas propriétaire de ce matériel.

ATTENDU, par ailleurs ,que la loi du 10 août 1871, relative à l’organisation des départements, donne la possibilité au Préfet d’engager au nom du Département, après accord d© la Commission Départementale, toute action en justice;

QU’en l’espèce la Commission Départementale a, lors de la séance du 3 mai 1978 et en vertu d’une délégation reçue du Conseil Général, autorisé le Préfet à engager cette action;

QUE cette autorisation, bien que postérieure à l’introduction de la demande, est valable en vertu des dispositions de l’art. 126 du  Nouveau Code de procédure civile aux termes desquelles : "dans le cas où la situation donnant lieu à fin de non recevoir est susceptible d’être régularisée, l’irrecevabilité sera écartée si la cause a disparu au moment où le juge statue";
 
QU’enfin le Secrétaire Général de la Préfecture du Bas-Rhin était habilité à signer la demande introductive d’instance en vertu d’un arrêté préfectoral du 6 mai 1978 portant délégation de signature.

ATTENDU, dans ces conditions, qu’il échet de rejeter l’exception d’irrecevabilité soulevée par les appelants et de déclarer que le Département du Bas-Rhin a qualité pour exercer, en son nom propre et en vertu d’un droit qui lui est propre, l’action en dommages intérêts dirigée contre les défendeurs et appelants.

Sur la prescription

ATTENDU, que l’art. 117 de la loi du 15 juin 1895 sur les rapports de droit privé dans la navigation intérieure, stipule que les "créances nées d’une faute d’une personne de l’équipage" se prescrivent par un an et que l’art.118 précise que "la prescription court à partir de la fin de l’année pendant laquelle la créance est devenue exigible."

QUE ces règles sont applicables en matière de navigation rhénane à l’exclusion de celle quédicte l’art. 10 du Code de procédure pénale  suivant laquelle l’action civile en réparation du dommage résultant de l’infraction et ayant pour fondement l’infraction, se prescrit par le même laps de temps que l’action publique, c’est-à-dire un an lorsqu’il s’agit d’un dommage causé par une contravention;

QU’en effet, en présence de deux normes incompatibles, il y a lieu d’appliquer la norme spéciale valable en droit fluvial rhénan et non la norme générale applicable en vertu du droit commun;

QU’il s’ensuit qu’il convient d’appliquer les règles de prescription édictées par les art. 117 et 118 de la loi du 15 juin 1895 et non celles résultant de l’art. 10 du Code de procédure pénale.

ATTENDU en l’espèce que la créance est devenue exigible le jour de l’accident, soit le 10 février 1977, qu’il est constant que le Département du Bas-Rhin a déposé sa demande le 14 avril 1978:; que le délai de prescription d’un an de l’action civile a donc commencé à courir le 1er janvier 1978, fin de l’année pendant laquelle la créance est devenue exigible; que l’action a donc été engagée dans le délai d’un an à compter du 1er janvier 1978 et qu’à ce titre elle est recevable.

- Sur la responsabilité

a) le droit applicable

ATTENDU que l’art. 5 de la loi commerciale d’introduction du 1er juin 1924 maintient en vigueur des dispositions de la loi du 15 juin 1895 sur les rapports de droit privé dans la navigation intérieure (Binnenschifffahrtsgesetz), ainsi que la législation locale relative à la responsabilité civile, dans la mesure où ces lois s’appliquent à la navigation rhénane ?
 
QUE le décret du 13 octobre 1956 portant Code du domaine public fluvial et de la navigation intérieure n’a pas modifié les termes de l’art. 5 de la loi commerciale d’introduction susvisée;

QUE, bien au contraire, ce décret stipule en son article 234 que les dispositions locales encore en vigueur en matière de responsabilité civile, sont applicables "aux transports s’effectuant sur le Rhin";

QUE les principes locaux en matière de responsabilité civile s’appliquent donc à la navigation rhénane à l’exclusion des règles du droit commun de la responsabilité du Code civil français;

QU’il s’ensuit qu’il convient d’écarter l’application de l’art. 1384 alinéa 1er du Code civil, la responsabilité du fait des choses établie par ce texte n’existant pas, s’agissant de la navigation rhénane.

ATTENDU, par ailleurs, que les articles 40 et suivants du Code du domaine public fluvial et de la navigation intérieure qui érigent en contraventions de grande voirie les détériorations à certaines dépen dances du domaine public ne peuvent d’avantage trouver application dans le présent litige, ces textes étant incompatibles avec les principes de responsabilité et de réparation qui s’appliquent à la navigation rhénane:

QUE  s’ il résulte clairement à l’art. 34 de la Convention de Mannheim, auquel se réfèrent d’ailleurs les art. 233 et 235 du Code du domaine fluvial, que les litiges en matière pénale et civile relatifs aux dommages causés à un ouvrage franchissant le Rhin par un bateau naviguant sur ce fleuve relèvent, qu’elle que soit la nature de l’ouvrage en cause, de la compétence exclusive des tribunaux pour la navigation du Rhin, il n’en demeure pas moins que ces juridictions ne peuvent connaître des contraventions de grande voierie, eelles-ci n’étant pas comprises dans les affaires que la Convention a expressément réservées à ces juridictions;

QU’en conséquence, la réparation des dommages causés au domaine fluvial rhénan ne peut être assurée que conformment aux dispositions locales maintenues en vigueur en matière de responsabilité civile.

ATTENDU, dans ces conditions, qu’il y a lieu d’examiner les responsabilités encourues dans le présent litige exclusivement au regard du droit local maintenu en vigueur en matière de navigation sur le Rhin.

b) en ce qui concerne le capitaine "D"

ATTENDU qu’il résulte de l’art. 8 de la loi du 15 juin 1895 sur les rapports de droit privé dans la navigation intérieure que "le capitaine doit, avant le commencement du voyage, prendre soin que le bateau
soit en bon état de navigabilité".

ATTENDU que le capitaine a manifestement méconnu cette obligation puisqu’il est établi par les constatations de la Gendarmerie de Gambsheim que l’installation de gouverne de l’automoteur était défectueuse et qu’il manquait notamment un safran au gouvernail tribord;
 
QUE le système de gouverne défectueux n’était pas la suite de l’accident du 10 février 1977 mais existait déjà antérieurement;

QU’il résulte, en effet, des déclarations du pilote « S », corroborées par celles de M. « K », marinier, que cette défectuosité est à l’origine de l’accident

QUE le pilote a précisé à cet égard"... au passage du bac, j’ai voulu faire dériver l’arrière de mon bateau pour passer-légèrement en biais la passe du bac. Au moment ou j’ai voulu effectuer cette manoeuvre mon gouvernail n’a pas répondu immédiatement".

ATTENDU, par ailleurs, qu’il résulte du procès-verbal dressé le 20 avril 1977 par la Wasserschutzpolizei de Breisach (République fédérale d’Allemagne) et en particulier des documents photographiques figurant au dossier, que l’automoteur G a heurté le 8 février 1977, vers 23 heures, le pilier de l’ancien pont de Weil-am Rhein près de Bâle;

QUE les documents versés aux débats établissent de façon incon testable que le pilier du pont de Weil a été sérieusement endommagé et que le choc avec le bâtiment a du être d’une certaine violence ;

QUE ces documents établissent en outre que, lors de cet accident du 8 février 1977; le capitaine "D" était aux commandes de "G-ROTTERDAM", assurant les fonctions de conducteur du  bâtiment;

QU’ à la suite de la collision du 8 février 1977, la Wasserschutz-polizei de Breisach a infligé une amende de 150 DM au Capitaine  « D » que ce dernier a d’ailleurs payé sans discussion aucune;
QU’en conséquence le Capitaine "D" est mai venu de contester et l’accident survenu le 8 février 1977 et les dommages causés à cette occasion au "G-ROTTERDAM";

QU’ en tout cas, le Capitaine « D », en n’ayant pas procédé, après la collision, à une vérification sérieuse des appareils de gouverne du bateau, en ayant continué sa route sachant qu’il aborderait de nuit un secteur du fleuve dangereux en raison de l’étroitesse du chenal et de la force du courant, et enfin en n’informant pas le pilote monté a Gambsheim, M. « S », de l’accident survenu à Weil et de ses consé quences sur la manoeuvrabilité du bâtiment, a commis plusieurs fautes qui engagent largement sa responsabilité;

QU’à cet égard il convient encore d’observer que le Capitaine DORRE n’avait fait aucune déclaration concernant l’accident survenu à Weil-am-Rhein aux autorités compétentes, qu’il n’en a pas davantage fait mention lors de ses  auditions  par la Brigade fluviale de Gambs heim après l’accident de Drusenheim; que ce n’est que deux mois plus tard, après les constatations de dommages faites sur le pilier du pont de Weil que le bâtiment, qui a heurté le pont, a pu être identifié comme étant le "G-ROTTERDAM"   que ces faits et circonstances donnent à penser que le Capitaine DORRE ne souhaitait pas reconnaître sa responsabilité d’une part, afin qu’aucune faute pour négligence ne puisse être retenue contre lui et, d’autre part, afin qu’il ne puisse être établi que la défectuosité de son système de gouverne était antérieure à l’accident de Drusenheim;
 
QU’il y a donc lieu de considérer que l’accident du 10 février 1977 trouve sa cause dans la non-vérification par le Capitaine "D" du bon état de navigabilité de l’automoteur, que cette faute engage sa responsabilité en même temps que celle de l’armateur;

ATTENDU que c’est en vain que les défendeurs et appelants invoquent l’art. 1.02 du Règlement de police et l’art. 14 du Règlement de pilotage entre Bâle et Mannheim du 1er juillet 1956, textes suivant lesquels, quant le capitaine n’a pas la patente pour la section parcourue et qu’il fait appel à un pilote patenté, celui-ci devient le "conducteur" du bateau, c’est-à-dire acquiert l’autorité sur l’équipage, prend les mesures de précaution que commandent le devoir général de vigilance et les règles de la pratique professionnelle courante;

QU’en effet, ces textes ne peuvent déroger aux règles sur les obligations et la responsabilité civile du capitaine telles qu’elles sont édictés par la loi du 15 juin 1895 et notamment l’art» 8 qui fait une obligation au capitaine, avant chaque voyage, de veiller à ce que le bateau soit en bon état de navigabilité;

QU’en d’autres termes, ces textes qui concernent essentiellement la conduite des bateaux, n’ont ni pour objet, ni pour effet de décharger le capitaine de toute responsabilité pour les accidents ou dommages survenus pendant que le pilote conduit le bâtiment à lui confié;

QU’il serait, au surplus, injuste que du simple fait qu’un pilote patenté monte à bord d’un bâtiment, le capitaine soit exonéré des conséquences de ses fautes propres, surtout lorsque celles-ci sont antérieures à l’intervention du pilote.

ATTENDU que c’est en vain également que les défendeurs et appelants invoquent la responsabilité de l’ETAT FRANÇAIS en lui reprochant d’avoir réduit la largeur du chenal navigable à moins de 88 mètres;
QU’i1 y a lieu d’observer à cet égard que la réduction de la voie navigable a été portée à la connaissance des usagers par avis à la batellerie n°78 du 17 septembre 1971;

QU’en conséquence le pilote, informé par l’avis  à la batellerie de la modification apportée à la largeur de la passe navigable, devait adapter la conduite de son bâtiment à l’état de la voie d’eau et, partant, éviter de heurter un ouvrage  par ailleurs  visible sur l’écran radar alors en fonctionnement;

QU’il apparaît ainsi que la réduction de la largeur du chenal ne peut être considérée comme la ou l’une des causes de l’accident;

ATTENDU, dans ces conditions, que c’est à bon droit que le premier juge a retenu la responsabilité du capitaine "D".

ATTENDU, que l’affirmation, produite pour la première fois lors du plaidoyer, selon laquelle l’arrière du G ROTTERDAM: serait entré en collision dans l’écluse de Gambsheim avec un autre bâtiment n’altère en rien cette conclusion; qu’en effet dans ce cas également, le conducteur était tenu de procéder à un contrôle immédiat de l’installation de gouverne.
 
d) en ce qui concerne la Société G

ATTENDU que si la responsabilité personnelle de la Société G ne peut être retenue, aucune faute à la charge de l’armateur n’ayant été ni établie ni prouvée, il n’en demeure pas moins qu’aux termes de l’art. 3 de la loi du 15 juin 1895 "le propriétaire du bateau est responsable des dommages causés aux tiers par la faute du personnel du bateau";

QU’il s’ensuit que les fautes établies à la charge du Capitaine "D" engagent outre sa responsabilité également celle de l’armateur;

QUE c’est donc à bon droit que le premier juge a déclaré la Société G et M. "D" responsables in solidum des suites dommageables de l’abordage survenu le 10 février 1977 à Drusenheim-Greffern.

ATTENDU que le montant réclamé par le Département du Bas-Rhin est justifié par une expertise et qu’il n’est d’ailleurs pas contesté.

ATTENDU que le Capitaine "D" et la Société G ayant été reconnus responsables des suites dommageables de l’accident, ils ne sauraient réclamer paiement des sommes de 100.000 francs et de 90.000 francs pour procédures injustifiées.

ATTENDU qu’il résulte des dispositions de la loi du 15 juin 1895 (art 4-3) que l’action en responsabilité du fait de dommages causés aux tiers est soumise à des règles spéciales en ce qui concerne notamment l’indemnisation du préjudice, laquelle n’est pas nécessairement intégrale et peut se trouver limitée à la valeur du bâtiment et du fret.

ATTENDU enfin que le Capitaine "D" et la Société G qui succombent subiront la charge des entiers frais et dépens.

PAR  CES MOTIFS et ceux non contraires du premier juge

La Chambre des Appels de la Commission Centrale pour la Navigation du Rhin

- DONNE acte à Monsieur "S" de son désistement d’appel,

- DECLARE recevable l’appel interjeté par "D"et la Société G,

- LE DECLARE mal fondé,

- CONFIRME le jugement du Tribunal pour la navigation du Rhin de Strasbourg en date du 12 mai 1980, en tant qu’il concerne "D" et la Sté G,
 
ET REJETANT toutes autres con5prises en procédure d’appel par "D" et la Société G, les condamne en tous les frais et dépens tant de première instance que d’appel,

DIT que les frais sont à liquider conformément à l’art. 39 de la Convention révisée pour la navigation du Rhin par le Tribunal pour la navigation du Rhin de Strasbourg.